Quels sont les enjeux de cette étude ?
Erik Stappers : « L’éclairage en culture de concombre est une technologie qui existe déjà. Mais sa mise en œuvre se heurte encore à de nombreuses méconnaissances qui limitent l’utilisation optimale de cette technique. Dans cet essai, nous avons souhaité impliquer des producteurs de premier plan et démontrer tout le potentiel de ce mode de production. Voilà déjà trois hivers que nous conduisons des essais avec Botany et nous constatons, cette année en particulier, qu’un groupe de producteurs souhaite s’investir activement dans cette voie. Ils viennent visiter l’essai pour avancer ensemble. C’est important pour la réussite de cette étude. »
Contrairement au concombre, la tomate est déjà couramment cultivée tout au long de l’année. Comment expliquez-vous cette différence ?
Erik Stappers : «Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, la consommation de tomate en Europe est très supérieure à celle du concombre. D’autre part, il y a dix ans, l’éclairage en culture de tomate permettait déjà de se différencier par la segmentation et le goût par rapport aux tomates d’importation en provenance d'Europe du Sud.
Jos Beerens : «C'est vrai. L’approvisionnement et la consommation sont moins diversifiés en concombre qu’en tomate. Pendant longtemps, l’offre hivernale de la production de concombre au Benelux est restée faible et peu de producteurs ont osé se lancer dans la culture éclairée. Dans ces conditions, les distributeurs ont continué à se tourner vers les pays du sud pour s’approvisionner avec des volumes importants, à des prix inférieurs. »
Erik Stappers : « Par ailleurs, la plante du concombre est plus vulnérable que celle de la tomate : sa croissance est plus rapide et elle réagit plus brutalement aux conditions de culture. C’est pour les producteurs un défi important que de bien gérer une culture de concombre alors que l’achat d’un système d’éclairage LED représente un investissement substantiel. Dans ces conditions, même si un certain nombre de producteurs sont déjà ouverts à l’éclairage des cultures de concombre, ils veulent absolument, avant de franchir le pas, être convaincus par les gains que peuvent leurs apporter cette technologie. Ils ont également besoin d’être accompagnés dans la conception de leur serre et dans leurs différents choix, que ce soit au niveau du type d'éclairage, du type de substrat ou de la stratégie de protection biologique des cultures. C'est pourquoi de nombreux producteurs suivent avec intérêt l'essai mis en place chez Botany. »
Jos Beerens, Business Support Manager (conseiller en culture ) - Grodan
Pourquoi êtes-vous si enthousiastes par rapport à cet essai ?
Erik Stappers : «Dans cet essai, nous comparons une culture de concombre sous éclairage LED avec un dispositif qui combine LED et SON-T. Cela produit beaucoup de données utiles et augmente considérablement la valeur de l'essai. »
Jos Beerens : «Cet essai nous donne des informations importantes sur la manière d'utiliser encore plus efficacement l'énergie de la serre. Nous apprenons également, grâce aux capteurs Grodan installés au cœur du substrat, comment nous pouvons encore mieux économiser l'eau et optimiser la croissance des plantes. Ces mesures nous permettent de réfuter l’idée reçue selon laquelle une culture éclairée sous serre ne serait pas économe en énergie, ni durable.
Êtes-vous en mesure de réfuter totalement cette idée reçue ? Quels sont les effets de l’éclairage en culture de concombre sur l'environnement ?
Erik Stappers : «Tout dépend du regard que vous portez sur ce mode de production. Bien sûr, la culture du concombre est plus énergivore en hiver qu'en été. Mais si l’alternative est un concombre importé d’Espagne (cultivé sous serres traditionnelles moins performantes et produit de manière moins durable), alors la comparaison fait apparaître de nombreux arguments en faveur du concombre de serre origine Pays-Bas. D’autant que l’éclairage LED qui donne actuellement des résultats deux fois meilleurs que le SON-T traditionnel continue à se développer. Depuis cet hiver, les enseignes de distribution qui font un choix très clair en faveur des productions locales sont de plus en plus nombreuses. »
En quoi la source lumineuse utilisée dans le cas d'éclairages LED est-elle différente de celle des lampes SON-T?
Erik Stappers : «La grande différence avec les LED, par rapport aux lampes SON-T traditionnelles, est que vous pouvez dissocier l’action de la lumière et de la chaleur. Cela offre plus de flexibilité pour le producteur. Si vous l'utilisez bien et savez comment l'ajuster, vous gagnerez en efficacité et en précision. »
Jos Beerens : «Avec les LED, vous pouvez également utiliser des couleurs spécifiques, sachant par exemple que le rouge et le bleu ont un effet direct sur la photosynthèse. D’autres couleurs peuvent être ajoutées dans une certaine mesure afin de contrôler d'autres mécanismes physiologiques tels que la croissance en hauteur, la répartition des assimilats et la formation des fleurs. Signify teste actuellement différentes couleurs de lumière pour évaluer quelles sont les combinaisons spécifiques qui ont un effet positif sur la plante."
Quel est le rôle de Grodan dans cet essai, quelles sont ses attentes en ce qui concerne ses substrats ?
Jos Beerens : «En fournissant les substrats pour cet essai, nous allons apprendre beaucoup de choses concernant l’effet des différents types d’éclairage sur le développement du système racinaire des plantes dans nos substrats. En mesurant cet effet, nous pouvons étudier quelle est la stratégie optimale que pourra adopter le producteur en matière de fertilisation et d’irrigation. Et grâce aux mesures enregistrées par nos capteurs GroSens dans le substrat, nous sommes capables de suivre, en continu et en temps réel, l’évolution de ces données sur notre plateforme e-Gro, avec la possibilité d’effectuer des ajustements si nécessaire. Pour moi, le grand intérêt de cet essai est de prouver une fois encore que l’agriculture sous serre est toujours en progrès et que malgré mes trente-cinq ans d’expérience dans le métier, j’apprends chaque jour quelque chose de nouveau. C'est précisément à partir des données de cet essai et en analysant les résultats que nous pourons en apprendre davantage sur nos propres produits. Parallèlement, il est important que nous partagions le maximum de connaissances avec nos partenaires. Si Grodan conserve jalousement ses propres données, et que Signify et les producteurs font de même, alors beaucoup d’informations seront perdues. En partageant, nous sommes dans une démarche d’entraide et de progrès. Et je trouve que cela est très précieux. »
Quelle est la première étape à franchir pour un producteur qui souhaite se lancer dans la culture éclairée du concombre?
Erik Stappers : «Avant de se lancer, les producteurs de concombre doivent bien étudier le sujet et ne pas sous-estimer la complexité d’une culture avec éclairage. Ce n'est pas le choix du type de lumière ou du type de pain en laine de roche qui feront en soi la différence. Il s'agit de considérer tous les facteurs réunis et être prêts à tourner les bons boutons dans un temps limité. »
Jos Beerens : «C'est un investissement énorme, alors assurez-vous que la serre et son environnement sont également prêts à franchir le pas. La structure de l'entreprise doit être adaptée, le tableau énergétique favorable, et les voisins d'accord avec le projet. Si tous les facteurs sont réunis, alors les choses peuvent aller très vite. Nous voyons de plus en plus de producteurs qui souhaitent effectuer la transition progressivement, mais qui se tiennent prêts pour répondre à la demande du marché dès lors que cette dernière augmentera en faveur d’une production de proximité. »
Que faut-il retenir sur les cultures éclairées de concombres ?
Erik Stappers : « En tant que professionnel, nous devons expliquer que nous sommes en présence d’un produit différencié. La qualité du produit, la sécurité alimentaire, la fiabilité et la durabilité sont autant de domaines pour lesquels le concombre néerlandais issu de cultures éclairées est en mesure de se distinguer par rapport à un concombre cultivé en Espagne par exemple. »
Jos Beerens : «Ils sont frais et ont bon goût. Mais ce que j’apprécie le plus, c'est que nous pouvons viser une production de qualité maximale tout en utilisant un minimum de litres d'eau et en réduisant la consommation d'énergie au maximum. C'est exactement le défi que nous nous sommes fixés et d'ici dix ans, je fais le pari qu’en hiver nous mangerons plus de concombres issus de cultures éclairées que de concombres non éclairés. »
L’essai de culture éclairée en concombre a été mis en place en octobre 2020 par Botany Group. Il se termine fin mars 2021. Dix partenaires sont impliqués dans essai, notamment Grodan et Signify.
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Cet article fait partie de la série Gro-Hacks, publiée par Grodan et pour laquelle nous demandons à nos partenaires et amis de partager avec nous leurs expériences innovantes dans lesquelles ils s’engagent dans le cadre de leurs entreprises.